Ginette Parrault
1929 - 2019
Nénette
Cher André, chère Gilberte, chère Colette
Micheline et Vanvan sont heureux de vous annoncer qu’on a trouvé dans nos choux une petite sœur qui d’appelle Ginette. C’est une grosse fille bien grasse qui pèse plus de 8 livres.
Elle est venue le samedi 17 août à 1 heure et nous l’attendions depuis le matin 3 heures »
C’est ainsi qu’Edgard PARRAULT notre père, professeur de dessin à l’Ecole Militaire Préparatoire des Andelys, annonçait la naissance de son troisième enfant à sa sœur Gilberte en 1929.
Yvette la maman était bien fatiguée par des naissances très rapprochées alors qu’elle continuait d’exercer son métier d’institutrice.
Ginette était une enfant timide qui ne faisait pas de bruit, papa l’appelait « la souris ».
`D’un caractère réservé elle avait du mal à s’imposer face aux plus grands.
Ce côté discret avait fait que le nom de totem scout qui lui avait été donné alors qu’elle était éclaireuse était celui de « myosotis ». Cela résumait parfaitement la jeune fille qu’elle était : romantique, simple, aimant la nature, les fleurs et la couleur bleue.
Bientôt sa naissance sera suivie de deux autres, celles de Gilbert puis de Jean. « Cinq en 10 ans » disait maman qui se serait contentée de bien moins.
En 1939 c’est la guerre et la famille a dû prendre le chemin de l’exode car l’Ecole Militaire des Andelys devait quitter la Normandie pour rejoindre la zone libre, non occupée par l’armée allemande. Après de multiples destinations temporaires la famille s’installa à BEZIERS en se réfugiant entre temps à AUVILLAR dans le Tarn et Garonne, village des ancêtres de maman. Temps de restrictions et pour que leurs enfants soient nourris correctement nos parents les ont envoyés en colonie de vacances à SAINTE RADEGONDE, à la campagne où ils pu manger à leur faim. Toute sa vie Ginette aimera évoquer les détails de cette épopée familiale, aidée en cela par une mémoire prodigieuse des faits et des gens, jusqu’à la descente du train bloqué sur une voie pour plusieurs heures et durant laquelle les élèves se ruèrent pour cueillir des fraises de bois.
Puis l’école étant transférée à MONTELIMAR, nouveau déménagement et nouvelle naissance, la mienne très inattendue en 1945. A la fin de la guerre retour aux Andelys. Pour Ginette ce sera l’obligation de quitter les études, à contrecœur, pour s’occuper de sa petite sœur Joëlle car maman était en mauvaise santé et le budget familial ne permettait pas trop de frais. « Jolie comme elle est, elle trouvera un époux et fera une parfaite femme d’intérieur se disaient les parents »…mais la vie en a décidé autrement.
Elle me pardonnait tout, même quand elle lavait le carrelage et que je la narguais « je marche dans ton mouillé, je marche dans ton mouillé ! » ou qu’au lendemain d’une rentrée tardive d’un bal elle dormait le matin trop longtemps à mon goût et que je lui soulevais les paupières en demandant « tu dors ? »
Elle est allée ensuite gagner sa vie en allant à PARIS rejoindre ses frères dans un logement très exigu, rue de Lancry au 6ème sans ascenseur. Elle a été embauchée dans une papèterie comme vendeuse bilingue car elle était douée pour les langues et excellait dans l’art de décorer les vitrines.
Elle ira travailler ensuite dans le domaine du luxe dans une boutique prestigieuse sur les Champs Elysées puis chez le maroquinier LANCEL, Place de l’Opéra. Mais là les choses se gâtent. Elle ne supporte pas la course au chiffre d’affaires, la rivalité des collègues payées à la commission qui la bousculent pour lui prendre son tour, une chef trop dirigiste. Elle sombre dans la dépression. Suit une longue période noire avec addictions diverses dont les moindres seront celles au chocolat, au coca cola ou au téléphone. Finalement grâce à l’association des A.A. elle gagnera sa bataille contre elle-même et sera fière et heureuse par la suite de fêter ses nombreux anniversaires d’abstinence.
Durant toute cette période ses relations avec son entourage sont devenues difficiles. Son caractère change mais toujours elle gardera de la tendresse pour les enfants. Ses menus cadeaux placés dans l’assiette sous la serviette alors même qu’elle a peu de revenus. Ses chansonnettes d’autrefois et ses histoires m’ont ravie et continuent après elle à faire le bonheur de mes petits-enfants. Entendre conter Epaminondas le petit africain étourdi ou Poum le petit garçon qui se relève la nuit pour voler les choux à la crème constituent un enchantement toujours réclamé.
Elle qui aurait tant voulu être mère n’a pas pu avoir d’enfant. Il faut dire que ses relations avec les hommes ont souvent été contrariées ou un peu compliquées et elle est restée célibataire. Toutefois elle n’a jamais perdu espoir de rencontrer le prince charmant, celui des contes de fées ; pas les divers prétendants que notre tante Yvette s’ingéniait à lui trouver ou ceux qui se présentaient sur sa route. A presque 80 ans elle me demandait « tu crois que c’est encore possible ? »
Elle aimait les voyages et m’avait emmenée avec elle au Tyrol alors que j’avais 15 ans, nous y avons passé un merveilleux séjour. Elle m’envoyait des cartes postales des lieux où elle allait en vacances. Toutefois, la vieillesse aidant, elle n’arrivait à plus écrire et se désolait de ne pas pouvoir m’envoyer une jolie carte d’anniversaire comme d’habitude. Je la rassurais en lui disant que je les avais toutes gardées et que j’avais de quoi faire pour mes 60 anniversaires à venir.
J’avais reçu d’elle, alors que j’étais enfant, une carte d’Angleterre où était dessinée une petite fille rigolote riant aux éclats et sur laquelle elle avait écrit « En voyant cette carte j’ai pensé à toi et j’espère que lorsque tu n’auras pas envie de rire et que même tu auras envie de pleurer, tu regarderas cette petite bonne femme et que tu riras bien fort comme elle »...
Ce que je m’efforce de faire ma sœurette.
Joëlle Parrault
(La petite soeur)